/ par Josiane Pelosse
Josiane Pelosse est diplômée en anthropologie à l’Université Laval et journaliste pour Radio-Canada (Montréal, Ottawa, Winnipeg) depuis cinq ans. Elle est présentement à Bamako, au Mali, en tant que conseillère en communication pour la Fédération nationale des artisans du Mali (FNAM). Si elle prend une pause de l’actualité d’ici pour quelques mois, question de partager son expertise en communication, les enjeux sociopolitiques de la population malienne, eux, la tiennent occupée et préoccupée.
Il fait 30 degrés, peut-être plus. Des milliers de motocyclettes, de taxis et de sotrama, ces bus collectifs verts dans lesquels s’entassent des dizaines de personnes, défilent sur une poignée de routes goudronnées et les nombreuses rues de terre rougeâtre. Ils partagent la chaussée avec les ânes qui tirent des charrettes, les vendeurs ambulants et les piétons. L’air est chargé de diesel. La poussière court les rues. Elle est aussi dans les voitures, sur les bureaux, dans les maisons, sous les pieds, dans le nez…
Sur des montagnes de déchets parfois impressionnantes mangent des ânes, des chèvres ou des vaches. Les égouts souterrains n’existent pas. Les rues sont bordées de cavités au fond desquelles on aperçoit une eau noire, épaisse, stagnante, remplie de déchets divers. En s’arrêtant un moment en bordure des tranchées, on peut voir passer un rat. Tout autour, des kiosques de fruits et de légumes tenus par des femmes qui vous sourient. Des hommes assis en cercle attendent le thé qui infuse sur un petit feu. Eux aussi vous saluent. Et puis, au tournant, il y a les enfants. Les enfants et leur joie. Bienvenue à Bamako.
Ils ont tous les âges, se déplacent en groupe, souvent en se donnant la main, les plus vieux étant responsables des plus jeunes ou alors, ils s’amusent devant leurs maisons. Les jeunes filles ont des tresses au bout desquelles pendent de petits bouts de plastique colorés. Comme leurs mères, leurs tantes et la très grande majorité des femmes, elles portent de jolies robes à gros imprimés. Des motifs orange, bleus, roses, jaunes, toutes les couleurs sont permises.
Les enfants sont aussi capables de chamailles rigoureuses et trop d’entre eux devraient être à l’école alors qu’ils scient du bois, balaient la rue, quêtent…
Comme dans les films ou dans les images les plus clichés sur l’Afrique, on en voit de temps à autre s’amuser à rouler de vieux pneus au moyen d’un bâton. Ils dorment, mangent, jouent près d’égouts non couverts ou d’amoncellements de déchets.
Mais en une seconde, leurs rires font fondre les ordures.
Les enfants vous éclairent de leurs visages souriants, vous accueillent avec leurs yeux, émerveillés de vous voir, vous et votre peau blanche, et vous embrassent avec leur chanson “Toubabou, toubabou !”
Les enfants sont nombreux au Mali et sans eux, les rues de Bamako ne seraient pas les mêmes. Ils vous font comprendre que vos yeux ont tort, qu’ils sont heureux, que c’est ainsi que la vie se vit, qu’ils ont la richesse des grandes familles qui les entourent.
Et comme de petits magiciens, ils font disparaitre l’insalubrité, illuminent la rue et vous donnent, si vous ne l’aviez pas déjà, l’envie de rester.